Le commerce et la disparité des ressources




 

La théorie de Heckscher et Ohlin

Le commerce international tend à mieux répartir non seulement les produits, mais également les ressources.

Selon Ricardo, les avantages comparatifs sont issus des écarts relatifs de productivité des ressources d’un pays à l’autre mais il ne donne aucune explication sur l’origine de ces écarts. Lorsque la ressource considérée est la terre, on comprend que le climat ou la fertilité du sol influencent le rendement. Mais dans le cas de la main-d’œuvre, Ricardo ne fait que constater les écarts de productivité et en déduire la spécialisation de chaque pays. Il ne va pas plus loin et ne dit pas pourquoi la productivité de la main-d’œuvre varie d’un pays à l’autre. Un siècle après Ricardo, les économistes suédois Heckscher et Ohlin ont proposé une réponse à cette dernière question, en se basant sur la notion de ressources productives ou de facteurs de production.

En gros, la théorie de Heckscher et Ohlin, aussi connue sous le nom de théorie de la différence de dotation des facteurs, peut s’énoncer ainsi : les biens qui nécessitent une forte utilisation de facteurs de production abondants sont exportés en échange de biens qui nécessitent une forte utilisation de ressources rares. Par exemple, l’Australie, qui possède beaucoup de bonnes terres et de capital, mais peu de main-d’œuvre, pourrait exporter de la viande ou des moteurs d’avion aux Philippines en échange de vêtements. Les Philippines, quant à elles, disposent de peu de terres, de peu de capital et d’une main-d’œuvre abondante. Or on sait que l’élevage requiert relativement peu de travail et beaucoup d’espace, que la fabrication de moteurs d’avion nécessite beaucoup de capital et que la production de vêtements est plutôt gourmande de travail.

Heckscher et Ohlin considèrent que les écarts de technologie entre les pays ont peu d’effets durables sur la spécialisation. Rien n’empêche vraiment les Philippines de se procurer ou de copier les machines nécessaires à la production de moteurs d’avion. Les nouvelles techniques finissent toujours par être accessibles à tous. La spécialisation de l’Australie et des Philippines vient non pas du fait que ce dernier pays est moins avancé que le premier, mais plutôt de leur dotation différente en ressources productives. Le facteur de production capital est relativement abondant en Australie par rapport au facteur main-d’œuvre, si on compare ce pays avec les Philippines. C’est pour cette simple raison que l’Australie exporte des moteurs d’avion et continuera de le faire tant que la production de ces moteurs exigera relativement beaucoup de capital et peu de travail, et tant que la main-d’œuvre sera rare chez elle.

 

Le prix et la mobilité des ressources

La théorie de Heckscher et Ohlin a des conséquences intéressantes sur l’évaluation des différences du prix des ressources entre les pays. Nous savons que les biens circulent plus facilement que les ressources: un moteur d’avion ou un conteneur de vêtements traversent mieux les frontières que des travailleurs, des immeubles ou des terres agricoles! Nous avons vu également que le libre commerce selon la loi des avantages comparatifs a pour conséquence d’égaliser le prix des biens d’un pays à l’autre. Nous démontrerons maintenant comment le commerce international a aussi pour effet de rapprocher le prix des ressources, même si celles-ci sont peu mobiles en pratique.

Dans notre exemple, le facteur travail était relativement abondant aux Philippines, comparativement au facteur capital. Grâce aux échanges internationaux, le pays peut renoncer à fabriquer ses moteurs d’avion et produire pour lui-même plus de vêtements qu’il n’en a besoin. Les Philippines se mettent alors à utiliser moins de capital et plus de main-d’œuvre; le facteur le plus rare et le plus cher (le capital) étant moins utilisé, son prix baisse; le facteur le plus abondant et le moins cher (le travail) est par contre plus utilisé qu’auparavant: son prix monte. La situation australienne est à l’inverse: le coût de la main-d’œuvre tend à baisser, grâce aux importations de vêtements, ce qui permet de reporter une partie du fardeau sur les Philippines; le coût du capital, facteur relativement abondant et bon marché, tend à remonter. Les salaires et les coûts du capital des deux pays se rapprochent donc.

Le commerce international tend à égaliser le prix des produits, et ceux-ci se déplacent depuis les pays où ils sont abondants vers les pays où ils sont rares. Ce phénomène se répète pour les ressources, mais, comme ces dernières sont beaucoup moins mobiles (il est plus facile d’exporter un bœuf qu’un fermier ou un pâturage), le transfert de ressources se fait à l’intérieur d’un pays, d’un secteur de l’économie à un autre.

 

© Supplément à Relations économiques internationales, 4e édition, Renaud Bouret, Éditions Chenelière Éducation, Montréal